La maladie de la peau rouge, ou red skin syndrome, est une pathologie très peu connue en France ; tout comme dans le reste du monde. Elle se caractérise par une dépendance à la cortisone, développée suite à la prise de corticoïdes. Ses symptômes les plus courants vont de l’apparition d’importantes rougeurs à des sensations parfois très violentes de brûlures à la surface de la peau.
C’est pourquoi il est important d’offrir une visibilité et donner une voix à celles et ceux qui en souffrent.
Mais il ne s’agit pas seulement de « dire » la maladie. Nous pensons sincèrement qu’il est important de la comprendre. Comprendre ses causes, ses symptômes. Aussi, s’interroger sur les possibilités de guérison à l’heure actuelle.
À travers ces quelques lignes, nous voulons donner un aperçu complet des enjeux et des difficultés liés à ce mal trop souvent sous-estimé. Il ne s’agit pas d’entrer dans des détails techniques indigestes, mais de montrer que le Red Skin Syndrome est une réalité – une réalité scientifique, donc, sources à l’appui.
Cet article vise avant tout à dissiper le brouillard qui cache encore trop souvent ce syndrome d’un point de vue scientifique, au moyen de nombreuses sources. N’hésitez pas à cliquer sur les liens pour en savoir plus. Les informations que l’article contient ne remplacent pas les conseils médicaux d’un spécialiste. Toutefois, il permet à chacun(e) (malades, proches, toute personne souhaitant en savoir plus) de découvrir ou mieux connaître ce problème de société, qui ne fait encore trop l’objet d’études approfondies.
Le syndrome de la peau rouge ou Red Skin Syndrome : pourquoi est-il si peu connu ?
Il peut paraître étrange de commencer nos explications par une question d’ordre « statistique » ou « social », mais dans le cas du Red Skin Syndrome, c’est particulièrement important et pertinent.
En effet, encore aujourd’hui, ce syndrome n’est reconnu que de manière très timide par la communauté scientifique. Cela peut rendre le parcours d’une victime d’autant plus compliqué : comment trouver des solutions à un problème… que trop peu d’experts prennent au sérieux ?
À l’heure actuelle, tout tend à prouver que cette maladie existe, et qu’elle touche bien plus de personnes qu’il n’y paraît. Les démarches comme la nôtre, sans prétention mais avec détermination, peuvent justement permettre de sensibiliser un nombre croissant de personnes à cette problématique.
Le Docteur Marvin Rapaport : une figure importante dans la recherche sur le syndrome
C’est en 2006 que le terme « Red Skin Syndrome » a été officiellement utilisé pour la première fois par le Docteur Marvin Rappaport (source). Il est important de retenir ce nom. En effet, ce scientifique américain consacre, depuis qu’il a pris conscience de la problématique, la grande majorité de sa carrière à éveiller les consciences concernant le syndrome.
Son but ? Montrer qu’il y a un lien entre la dépendance aux corticoïdes et le développement de ces brûlures, de ces douleurs et des conséquences esthétiques qui les accompagnent.
On pourrait penser que l’observation scientifique et la rigueur suffisent. Malheureusement, ce n’est pas aussi simple. Le docteur doit faire face à de nombreuses réticences, venant de ses confrères. Il explique à ce propos :
« J’ai écrit sept articles scientifiques qui ont été publiés [dans des revues spécialisées consacrées à la dermatologie] et j’ai donné de nombreuses conférences à plusieurs rencontres dédiées à la dermatologie. À ce jour, un rejet malheureux existe de la part d’une majorité des scientifiques quand il s’agit d’accepter ce simple concept »
L’idée de « majorité » est centrale. Non, il n’y a pas que le docteur Rapaport qui a étudié ce syndrome, ses causes et ses conséquences. Une étude de 2015, pilotée par l’académie américaine de dermatologie, a signé une étape importante. Dans leur rapport, les cosignataires alertent sur une « mauvaise utilisation » possible de certains produits corticoïdes, et à la prudence qu’il s’agit d’observer au moment de la prise.
Alors certes, les propos sont nuancés. Il est question de « limitations » et d’une nécessité d’approfondir les recherches.
Mais les choses avancent. Au demeurant, depuis 2015, de nouvelles pistes se dessinent. Cela va permettre aux malades, à leurs proches, ainsi qu’aux spécialistes du monde entier de mieux comprendre, petit à petit, les enjeux du Red Skin Syndrome.
À ce sujet, nous tenons à répondre aux questions qui reviennent souvent sur la maladie.
Pourquoi la cortisone rend-elle dépendant(e) ?
La prise de corticoïdes de synthèse (ici de façon orale) peut parfois faire entrer un(e) patient(e) dans une sorte de piège cyclique. Un cercle vicieux, donc. C’est là que se développe la dépendance.
Expliquons-le de la manière la plus claire possible :
- Il arrive qu’une personne souffre d’insuffisance au niveau des glandes surrénales, qui n’arrivent plus à fonctionner correctement. Le manque de cortisol empêche certains phénomènes naturels (notamment ceux liés aux réactions inflammatoires) de se dérouler correctement (source).
Le cortisol est une hormone. Autrement dit, un messager qui assure la coordination entre nos organes, notre système nerveux, notre peau…
- Si notre corps ne parvient pas à développer naturellement la quantité nécessaire de cortisol, les symptômes apparaissent.
Par exemple, au niveau dermatologique, des plaques envahissent parfois la peau. C’est à la fois un signe et une conséquence du manque.
- C’est là qu’une corticothérapie peut être préconisée par certains spécialistes. Autrement dit, la prise de médicaments, de produits corticoïdes capables de combler l’insuffisance.
Le traitement a donc forcément une visée positive, à l’origine…
… mais il peut entraîner une dépendance, justement, qui en fait une solution à double vitesse.
Attention : on ne parle pas ici de dépendance au sens le plus commun du terme. Il ne s’agit pas de devenir « accro » aux corticoïdes, et à en avoir absolument l’envie d’en appliquer en voyant un tube.
En revanche, dans les cas du RSS, un besoin de plus en plus important se développe pour éviter la réapparition ou l’aggravation des symptômes. La prise du produit est une condition à l’apaisement, et les doses nécessaires deviennent de plus en plus élevées. Les spécialistes recommandent souvent d’alterner les dermocorticoïdes avec des immunossuppresseurs, mais ceci provoquerons la même finalité.
Dans le cas des dermocorticoïdes, la cortisone va jouer un rôle directement sur les vaisseaux sanguins, ce qui a un effet considérable sur l’état de la peau en sevrage (source). Cela est due à la vasodilatation.
Existe-t-il des sources concernant la dépendance aux corticoïdes ?
Les sources scientifiques sont nombreuses, mais diluées. Autrement dit, le « consensus » a du mal à s’établir. Certains diront que des intérêts pharmaceutiques sont en jeu : accuser ces produits d’entraîner des effets secondaires graves pourrait nuire aux affaires des grands groupes distributeurs. Bien sûr, nous ne sommes pas ici pour valider ou invalider cette thèse. Il ne s’agit pas de faire de la politique.
On parle aussi, plus sobrement, d’une prise de conscience encore timide : les mises en commun des expériences rencontrées, des cas récurrents sont plus rares que pour d’autres pathologies. Mais l’étude citée tout à l’heure – celle de 2015 donc – est le signe d’une avancée à ce sujet.
D’ailleurs, les premiers constats ne datent pas d’hier. En 2008 déjà, un groupe de chercheurs, dont les travaux ont été relayés par une revue de gérontologie suisse mettait en évidence certaines « plaintes » de la part des personnes âgées ayant fait l’objet d’une corticothérapie de longue durée.
Il est question de troubles du sommeil, d’une prise de poids ou encore, justement, de troubles dermatologiques.
La dépendance aux corticoïdes : un problème réel
Car oui, la dépendance aux corticoïdes est un problème réel. Si l’on remonte encore un peu dans le temps, on découvre une étude intéressante du Docteur Jean-Christophe Carraz (source).
Certes, le scientifique ne consacre pas toutes ses explications à ce mal. Mais il en reconnaît clairement la possibilité, sous l’appellation « syndrome de sevrage ».
Le chercheur français relève qu’il existe de nombreuses sources scientifiques évoquant les difficultés rencontrées par les patient(e)s au moment d’arrêter la prise de corticoïdes.
Il explique que dans les cas où la personne a été exposée, de manière significative, à des produits de cette nature, une dépendance psychosomatique risque de se développer. Autrement dit, pour simplifier, un besoin psychologique se développe.
Non, le Docteur Carraz ne cite pas le Syndrôme de la peau rouge. Cela dit, ce ne sont pas les mots et les étiquettes qui sont essentiels. Ce sont les racines, les causes profondes du problème qui importent. Et celles-ci sont largement documentées.
Grâce à la reconnaissance progressive, et que nous souhaitons toujours plus large de cette pathologie, les individus atteints dans le monde entier sauront identifier leur pathologie, réelle mais encore trop souvent sous-estimée.
Pourquoi les conséquences apparaissent-elles lors d’un sevrage ?
L’étude que nous venons de citer offre des clés précieuses de compréhension.
Le moment le plus délicat n’est pas la prise des corticoïdes… mais la fin du traitement. C’est ce que le Docteur Carraz appelait donc le sevrage.
À ce moment-là, le corps s’est habitué à « dépendre » (justement) des doses de cortisone apportées par les crèmes passant dans le sang. Il a trouvé une source permettant de combler l’insuffisance surrénale. Et en cessant la corticothérapie, cet apport est interrompu.
Chez certaines personnes, l’adaptation se fait naturellement. Chez d’autres, en revanche, la transition s’avère brutale. Les glandes surrénales n’ont plus leur « allié » chimique, et réagissent… mal. C’est là que les éruptions cutanées se manifestent. Parfois de manière très violente.
L’eczéma, par exemple, est alors cortico-induit.
Il est à noter qu’évidemment, la cortisone peut être prescrite dans de nombreux autres cas que les problèmes dermatologiques. Allergies, troubles ORL… les possibilités sont nombreuses. Mais le corps, lui, ne fera pas de distinction entre les maux visés et les « bonus » qu’elle tire en matière de support surrénal.
Comment peut-on prévenir le syndrome de la peau rouge ?
Comme on le sait, « mieux vaut prévenir que guérir ». Ainsi, pour éviter tout surgissement de cette pathologie, il est important de ne pas suivre des corticothérapies trop longues. Dans un article de la Revue du praticien très récent (publié le juin 2021), le collectif à la base des recherches met en garde sur les effets secondaires nombreux des corticothérapies sur le long terme.
Il est notamment question de complications psychologiques, ostéopathiques… la liste est conséquente.
En effet, le corps ne doit pas « s’habituer » trop longtemps à ces ingestions ou applications de crèmes selon les cas. Une étude japonaise (source) a consisté, en 2014, a mettre en lumière cette problématique de manière… surprenante.
Rares sont les chercheurs qui donnent des conseils aux potentiels patients concernant leurs visites médicales. Pourtant, en l’occurrence, les rédacteurs du rapport invitent à la vigilance. À se montrer prudent(e) dans la prise des produits corticoïdes, y compris si la prescription du docteur suppose d’augmenter les doses.
D’ailleurs, le syndrome de la peau rouge est explicitement cité comme conséquence dans ce texte.
Pour résumer, d’après les responsables de cette étude – et c’est que nous expliquons depuis le début de cet article – les effets secondaires sont sous-estimés, y compris par certains professionnels de la santé. Un éveil des consciences est vraiment nécessaire.
Peut-on guérir du Red Skin Syndrome ?
La guérison est possible, et consiste justement en un sevrage de qualité.
Il est important de consulter un spécialiste qui sera en mesure de vous recommander des remèdes alternatifs. Bien sûr, plus ils sont doux, meilleur sera le résultat. Remplacer une dépendance par une autre n’est jamais une bonne idée. Cependant ces spécialistes peuvent être difficiles à trouver car la maladie est peu connue.
Mais des solutions naturelles sont envisageables, comme l’explique le rédacteur de cet article. Il s’agit de soulager les symptômes, pour éviter toute reprise du médicament corticoïde et laisser le temps faire son œuvre.
L’arrêt en question est, précisons-le, très important. Les produits à base de cortisone ont un effet immunosuppresseur (source). C’est certes efficace au moment de cibler une réaction excessive du système immunitaire, mais est susceptible de provoquer des effets secondaires importants.
Red skin syndrome : un problème sérieux, dont on peut guérir
La science n’est pas qu’une série de faits à connaître et à mobiliser. Tout un travail doit se faire au niveau de la société, des connaissances… aussi de la reconnaissance de certains phénomènes.
En ce qui concerne le red skin syndrome ou syndrome de la peau rouge, on peut dire que les mentalités évoluent. Cela dit, pour prévenir et guérir au mieux cette pathologie, il reste encore du chemin à parcourir.
Notre démarche, sincère et sérieuse, concerne les victimes de cette dépendance à la cortisone et des conséquences qu’elle entraîne, notamment sur le plan dermatologique.
Aujourd’hui, les causes profondes ne sont plus contestables. Plusieurs décennies de recherches, en Asie, en Europe ou encore en Amérique, ont fait apparaître les contours, les mécanismes, les enjeux de ce syndrome.
Il est temps de réaliser à quel point la prise des corticoïdes n’est pas anodine. Qu’un sevrage a, dans certains cas, des conséquences réelles, étayées par la recherche scientifique.
Si vous craignez d’avoir ce problème, que vous le constatez chez quelqu’un de notre entourage, vous pouvez compter sur le soutien et le travail de notre association. Loin de vouloir tourner le dos au consensus scientifique, car la médecine fait partie de nos vies, nous sommes convaincus que le monde a encore beaucoup de choses à apprendre sur le Red Skin Syndrome. Et nous pouvons les découvrir ensemble.
Photo de Jeff, guéri du red skin syndrome – crédit photo Tsumi projet A FLEUR DE PEAU
Merci à Vincent pour la rédaction de cet article
Merci à Tsumi Cellier pour ses photographies
Merci au groupe Facebook TSW/RSS – Addiction à la cortisone
A lire aussi : Comment savoir si je suis dépendant aux dermocorticoïdes ?
Super article ! Très complet, parfait pour en savoir plus sur cette maladie mal connue..